Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (2024)

Table of Contents
Charles de Gaulle (1959 – 1969) : lefondateur L’avènement d’un nouveau régime Un édifice encore incomplet Vers l’électiondu président de la république ausuffrage universel direct Un régime semi-présidentiel et unepratique Une politique de grandeur et prestige Deux crises de règne : Mitterrand et mai1968 Georges Pompidou (1969 – 1974) : lecontinuateur La nouvelle société Une politique d’expansion L’entrée du Royaume-Uni dans la CEE La fin d’une époque : les TrenteGlorieuses Valéry Giscard d’Estaing (1974 – 1981) : lemoderne Une volonté de renouvellement Le risque gaulliste Une politique modernisatrice Une politique de crise Un affaiblissem*nt progressif François Mitterrand (1981 – 1995) : le prince La première alternance La politique du gouvernement socialiste de 1981 :«changer la vie» Vers le « tournant de la rigueur » Le grand œuvre : l’Europe La première cohabitation Une Ve République souple Le deuxième mandat Un «président présidentiel» Un président bâtisseur Jacques Chirac (1995 – 2007) : le régent Une élection surprise L’oubli de la fracture sociale La troisième cohabitation : Lionel Jospin Premierministre La naissance du quinquennat La réélection après un séisme Une nouvelle donne politique Une politique timide L’échec du référendum de 2005 Un gouvernement de fin de mandat Nicolas Sarkozy (2007 – 2012) :l’hyperprésident La victoire de la «rupture» Un gouvernement d’ouverture et defaillite L’avènement d’un«hyperprésident» Les réformes libérales d’un président«américain» Activisme à l’extérieur Une série de réformes importantes La désacralisation de la fonctionprésidentielle L’éclatement de la crise financière et poursuite desréformes L’OTAN, le Qatar et l’intervention enLibye Un discours sécuritaire incisif François Hollande (2012 – 2017) : le normal L’élection du président normal Le gagnant de la primaire Une orientation sociale-libérale La lutte contre le déficit et la dette Le discrédit rapide du pouvoir Le défi de l’islamisme Un président «guerrier» Les autres fronts de la politique de FrançoisHollande Emmanuel Macron (2017 – ) : Jupiter References

Vous trouverez dans cet articleune présentation succincte de chacun des 8présidents de la Ve République française.

  • Charles de Gaulle (1959 –1969)
  • Georges Pompidou (1969 –1974)
  • Valéry Giscard d’Estaing (1974 –1981)
  • François Mitterrand (1981 –1995)
  • Jacques Chirac (1995 –2007)
  • Nicolas Sarkozy (2007 –2012)
  • François Hollande (2012 –2017)
  • Emmanuel Macron (2017-)

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (1)

En France, depuis l’adoption de laConstitution de la Ve République en 1958, et a fortiori depuis sonélection au suffrage universel direct (votée par referendum en1962), le président de la République est, selon l’expressionconsacrée, la «clé de voûte»desinstitutions. Seul élude la nation entière, pour un mandat de cinqans, le président de la République a pour rôle, selon l’article 5 de la Constitution, de veiller:

[…] au respect de laConstitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirspublics ainsi que la continuité del’État.

Il est le garant del’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire etdu respect des traités.

Le président de la République esten outre chef des armées (art.15) et dispose de pouvoirs spéciaux en cas de crise (art. 16).Enfin, il jouit d’un large «domaineréservé» :les affairesétrangères. Le rôle du président dans la politiquediplomatique de la France est resté éminent même pendant lespériodes de cohabitation (lorsque l’appartenance politique duprésident et la majorité parlementaire ne coïncident pas). Ce rôle central du président de laRépublique est une innovation. En effet, sous la IIIe République (1870 – 1940) et sous la IVe république (1946 – 1958), le président de laRépublique avait un pouvoir plus honorifique que réel (un présidentqui «inaugure les chrysanthèmes» selon l’expression dede Gaulle). La réalité du pouvoir était dans les mainsduprésident du Conseil (le chef dugouvernement, équivalent de notre Premier ministre).

À cette adresse, vous trouverez enoutre un quiz sur les présidents de la République (depuis 1848).

Charles de Gaulle (1959 – 1969) : lefondateur

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (2)

Charles de Gaulle fut le fondateurde la Ve République française. Mais il fut d’abord le dernier président du Conseil d’une IVe République plongéedans la guerre d’Algérie. Il succèda ainsi à Guy Mollet,le 1er juin 1958, après que le putsch d’Alger (oucoup d’État) du 13 mai 1958 a provoqué une grave crise qui a permisde présenter « le plus célèbre des Français » comme seul recourspossible.

L’avènement d’un nouveau régime

Le retour de De Gaulle annonca l’avènement d’un nouveau régime dont les grandeslignes avaient été présentées dans le discours de Bayeux, prononcéle 16 juin 1946. La Verépublique, dont Michel Debré était l’architecte,fut approuvée par référendum le 28 septembre 1958.Elle fut promulguée le 4 octobre de la même année(elle en tire d’ailleurs son nom deConstitution françaisedu4 octobre 1958). La Ve République est une républiqueparlementaire, c’est-à-dire que le gouvernement (lePremier ministre et les autres ministres) est responsabledevant le Parlement qui peut le censurer (le faire tomber). Cependant, au contraire des régimes précédents(la IIIe République qui disparaît avec la défaite de 1940 et la IVeRépublique qui émerge à l’après-guerre), le pouvoir del’exécutif (chef de l’État et gouvernement) est renforcé.Il a la prépondérance sur le pouvoir législatif (leParlement). On parle de « parlementarisme rationalisé » pour désigner lavisée de cette nouvelle république : parer la grande instabilitéentrainée par la prépondérance du Parlement dans les régimesprécédents du fait du rôle important joué par les partis politiques(le « régime des partis »selon le mot dugénéral de Gaulle).

Un édifice encore incomplet

Dans la rédaction originelle de laVe République, le président restait toutefois élu au suffrage universel indirect par un collège de 80000 électeurs. Ce n’étaient donc pas aux citoyens ordinaires dechoisir directement leur président. Le pouvoir du présidentdépendait donc de la faveur d’une élite. L’édifice gaullien était encoreincomplet. En effet, l’éliteparlementaire qui avait soutenu l’avènement de De Gaulle au pouvoircraignait toujours, par tradition culturelle, que tout le pouvoirtombe entre les mains d’un seul homme : elle se méfiait du bonapartisme.

Vers l’électiondu président de la république ausuffrage universel direct

Charles de Gaulle fut élu président de la République au suffrage universel indirect le21 décembre 1958 avec 78,51% des voix. Son mandatdébuta le 8 janvier 1959. Il choisit pour Premier ministre MichelDebré(1912 – 1996). Le nouveau président de la République profitacependant de la sortie réussie de la crisealgérienne (échec du putsch des généraux le 22 avril 1961,accords d’Évian signés le 18 mars 1962, indépendance approuvée parreferendum le8 avril, et effective le 5 juillet) et de sasortie indemne d’un attentat qui le visait (attentat duPetit-Clamart le 22 août 1962) pour compléter l’édificeconstitutionnel. Ilorganisa le 28 octobre 1962 un referendum pour l’électionau suffrage universel direct du président de laRépublique. Il fut approuvé par une large victoire du «oui » avec 62% des voix. Le président de la République française étaitdésormais l’élu du peuple, sans médiationparlementaire. La classe politique se scandalisa : le président duSénat français, Gaston Monnerville, qualifia de forfaiture l’approbation duréférendum par le nouveau Premier ministre (depuis le 14 avril1962), Georges Pompidou.

Un régime semi-présidentiel et unepratique

Après cette modificationconstitutionnelle, la Ve République put être décrite comme un régime semi-présidentiel: bien plus qu’en1958, le président de la République est la figure prépondérante dupouvoir en France. Sa légitimité est bien plusforte que celle des députés : il est le seul élu de la nationentière, il est son « visage ». La nation s’incarne enlui.

Le général de Gaulle avait une pratique du pouvoir présidentiel singulière : enrelation directe avec le peuple dont il est l’élu direct, ilconsidérait être en dialogue permanent avec lui. Il considérait sonmandat comme révoqué au premier signe de désapprobation électoralede sa politique. Les successeurs du général ne suivirent pas cettepratique.

Du fait de son statut, la fonctiondemandait une pratique du pouvoir distante du cours de la viepolitique ordinaire. Elle mime en cela la « sacralité » monarchiquedu pouvoir. Le « monarque » est protégé par un « fusible» : le Premier ministre, responsable devant le Parlement.Le juriste Maurice Duverger a ainsi qualifié la Ve République de « monarchie républicaine ».

Les députés avaientbeaucoup moins de pouvoir que le président. Ceux-cipeuvent faire tomber le gouvernement par une motion de censure : ils s’exécutent d’ailleurs en votantune motion le 5 octobre 1962. Mais ce pouvoir est inutile : leprésident de la République peut dissoudre l’Assemblée et appeler àde nouvelles élections législatives pour mater une Assembléenationale rebelle.

Une politique de grandeur et prestige

L’œuvre constitutionnelleterminée, la crise algérienne réglée, la décolonisation des autresterritoires français quasi acquise (la plupart des États obtiennentleur indépendance en 1960), De Gaulle put véritablement engager laFrance dans la politique de grandeur et de prestige qu’il appelaitde ses voeux, tout en maintenant l’ancrage dupaysdans le blococcidental, comme en a témoigné le soutien du général deGaulle au président américain Kennedy contre le leader soviétiqueKhrouchtchev au cours de la crise des missiles de Cuba en1962. Toutefois, il essaya de réduire l’assujettissem*nt de la France à la puissanceaméricaine en menant une politique d’indépendancenationale :

  • il encouragea la poursuite du programme nucléaire français : la première bombeatomique française a explosé à Reggane, dans le Sahara algérien, le13 février 1960.
  • Malgré son opposition ausupranationalisme (De Gaulle était favorable à une « Europe despatries»), il ne sortit pas la France de la Communautééconomique européenne (CEE) créée par le traité de Rome du25 mars 1957 : la politique agricole commune (PAC) entra en vigueuren juillet 1962 et la politique de la chaise vide prit fin en 1966.Il refusa cependant l’entrée du Royaume-Uni ausein de la CEE, car trop liée aux États-Unis.
  • Il poursuit l’œuvre de « réconciliation franco-allemande » dont le momentclé fut la signature du traité de l’Élysée le 22 janvier1963.
  • Il fit de la France le premierpays à reconnaître la République populaire deChine(c’est-à-dire la Chine communiste, née en 1949)en janvier 1964.
  • D’octobre à septembre 1964, ilvisita dix États d’Amérique du Sud et appela à la coopération avecla France.
  • Il sortit la France ducommandement intégré de l’OTAN en 1966.
  • Malgré des relations parfoisdifficiles, il tenta de rapprocher la France del’URSS et effectua un voyage dans ce pays en juin 1966. DeGaulle considérait l’Europe comme une réalité géographique quiallant de « l’Atlantique à l’Oural ».
  • Il stigmatisa publiquement lapolitique extérieure des États-Unis : le 1er septembre 1966, ilprononça un discours de Phnom Penh contre la guerre auVietnam.
  • Le 24 juillet 1967, dans undiscours prononcé à Montréal, par son « vive le Québeclibre » provocateur, il voulut défendre la présenceculturelle française en Amérique du Nord.
  • Il posa les fondements, avec sonhomme de confiance Jacques Foccart, de la « Françafrique », c’est-à-dire le système derelations privilégiées de la France avec ses anciennes coloniesafricaines. La France disposait ainsi, en Afrique, d’un « pré carré»d’influence.

Sa politique extérieure fut serviepar une économie qui profita de la période d’expansion économiquesurnommée les « Trente Glorieuses ». L’Étatdirigeait une économie dans laquelle les entreprises nationaliséesétaient puissantes, et dont la croissance était forte (entre 4% et6,5%). Le plan Pinay-Rueff (décembre 1958) futadopté pour lutter contre l’inflation et pour rétablir la balancedes paiements. Il introduit notamment un nouveaufranc en janvier 1960.

La présidence de De Gaulle ne futpas non plus sourde aux évolutions des la société : la « loi Neuwirth », adoptée le 28 décembre 1967,légalisait la contraception en France. Il permit aussi par l’ordonnance 17 août1967 la participation des salariés (des entreprises deplus de 100 salariés) aux bénéfices des entreprises.

Deux crises de règne : Mitterrand et mai1968

Après 1962, la présidence de DeGaulle ne connut « que » deux crises : l’une mineure, l’autremajeure. La première est sa mise en ballotage par le candidat de la gauche FrançoisMitterrand à l’élection présidentielle de 1965. En effet,le général ne rassembla « que » 44,6% des voix au premier tour, et55,2% des voix au second tour. Cette élection fut pourtant un bon signe pour lenouveau régime : elle témoignait de la vitalitédémocratique de la société française. Cette premièreélection du président de la République française au suffrageuniversel direct (depuis le 10 décembre 1848) n’a donc pas donnélieu à une unanimité sclérosante.

La seconde crise, celle-cimajeure, de la république gaullienne, fut mai1968. La révolte étudiante, couplée à une grève générale,ébranla le président, qu’il eut du mal à comprendre (« la réforme oui, la chienlit, non »). Le 29 mai 1968, celui-ciorganise sa disparition. Si la crise finit par résorber, elletémoigna d’une lassitude naturelle de l’opinion à l’égard dupouvoir. La longue association du président avec Georges Pompidou,qui avait mené les négociations aboutissant aux accords deGrenelle, prit fin le 10 juillet 1968. Un an plus tard, le 27 avril 1969, un referendumsur la régionalisation fut organisé. Le « non » l’emportaavec le 52,4% des voix. Conformément à sa conception de lapratique du pouvoir, en relation directe avec le peuple,De Gaulle avait annoncé qu’en cas d’échec, il quitterait sesfonctions. Il s’exécuta le 28 avril.

Georges Pompidou (1969 – 1974) : lecontinuateur

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (3)

Après la démission de Charles deGaulle, le président du Sénat, Alain Poher (1909 –1996) occupa la fonction de président de la République par intérim.Mais il fut battu au second de tour de l’élection présidentielle du15 juin 1969 par l’ancien Premier ministre Georges Pompidou, quidevint président de la République avec 58,2% des voix, soit11 millions de voix environ. Le parti communiste restait puissant (JacquesDuclos obtint 21,3% des voix) et la gauche s’effondra : GastonDefferre, candidat de la SFIO, fut éliminé dès le premier tour avecses 5%. Quatre ans plus tôt, Mitterrand mettait pourtant De Gaulleen ballotage. La présidence deGeorges Pompidou prend aujourd’hui une part limitée dans la mémoiredes Français. Cela s’explique par sa brièveté et parce qu’ellefigure comme une continuation de l’élan fondateurgaulliste.

La nouvelle société

En choisissant comme Premierministre Jacques Chaban-Delmas, le pouvoirs’orienta cependant vers une certaine modernisation de la société.Georges Pompidou ne fut pas sourd aux demandes de changements queportaient mai 1968. Dans son discoursdu 16 septembre 1969, «Chaban » appela à la construction d’une « nouvellesociété », plus ouverte à la participation des citoyens,au dialogue social, à la liberté d’expression, et servie par unÉtat plus souple. Il futtoutefois remplacé par un autre « baron » du gaullisme, plusconservateur, Pierre Mesmer, le 5 juillet1972.

Une politique d’expansion

Le gouvernement, qui bénéficiaitd’une croissance économique importante (6,6% en1973), décida de mener une politique de restructuration et deregroupement d’entreprises pour faire face à la concurrenceétrangère. Une politique de construction d’infrastructures fut en outreinitiée. On décida par exemple de construire la première ligne TGVentre Paris et Lyon. Pour répondre au développement de lavoiture, quatre-centskilomètres d’autoroutes furent mises en chantier. Georges Pompidou voulut d’ailleurs adapterParis à l’automobile : lepériphérique fut par exemple inauguré le 25 avril 1973. Un grandplan autoroutier pour Paris fut en outre établi : il prévoyait unmaillage serré de la capitale par des voies rapides. Laconstruction des voies sur berge est finalisée mais celle desautres voies fut abandonné par le président suivant.

L’élan modernisateur touche aussila politique culturelle. Georges Pompidou fut à l’origine du muséequi porte aujourd’hui son nom au centre de Paris, à Beaubourg.Derrière l’ouverture de ce musée, l’idée était de maintenir lestatut de Paris comme capitale mondiale de l’art (distancée par NewYork).

L’entrée du Royaume-Uni dans la CEE

Georges Pompidou fit un virageimportant en politique européenne en approuvant l’entrée duRoyaume-Uni dans la Communauté économiqueeuropéenne. Le traitéde Bruxelles, signé le 22 janvier 1972, acta l’entrée duDanemark, de l’Irlande, du Royaume-Uni et de la Norvège dans laCEE. Ce premier élargissem*nt européen est approuvé fut référendumpar le peuple français le 23 avril 1972. Seule la Norvège refusafinalement d’adhérer à la CEE.

La fin d’une époque : les TrenteGlorieuses

Le règne pompidolien conclut lapériode des « Trente Glorieuses » françaises. L’année 1973 futcelle du premier choc pétrolier. Elle conclut la « mise àniveau » de l’économie française par rapport à celle desÉtats-Unis. GeorgesPompidou mourut en cours de mandat le 2 avril 1974. AlainPoher débuta un nouvel intérim.

Valéry Giscard d’Estaing (1974 – 1981) : lemoderne

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (4)

Une volonté de renouvellement

L’élection présidentielle de 1974marqua un reflux de l’élan fondateur gaullien et une volonté de renouvellement. En effet, le second tour opposa uncandidat du centre-droit (libéral) et donc non gaulliste, ValéryGiscard d’Estaing (VGE), au candidat du jeune partisocialiste (1969), François Mitterrand. Le candidat gaulliste,Jacques Chaban-Delmas, qui avait été un Premier ministre pourtantmoderniste sous Georges Pompidou, fut éliminé dès le premier touravec seulement 15% des voix.

Valéry Giscard d’Estaing fut éluprésident de la République le 19 mai 1974 avec 50,8% desvoix, soit 13 396 203 suffrages. François Mitterrand futune nouvelle fois battu, malgré un net progrès par rapport à 1965.Le candidat socialiste avait fait preuve de moins de maîtrise aucours du débat télévisé de l’entre-deux-tours, lepremier de l’histoire en France. Son adversaire sut le « moucher »avec sa célèbre réplique : « vous n’avez pas le monopole du cœur».

Valéry Giscard d’Estaing étaitalors le plus jeune président de la Ve République à son élection (quarante-huit ans). Il était en outre le premierprésident à être issu de la technocratie constituée après-guerre : il était polytechnicien et ancien élèvede l’École nationale d’administration. Bien que ministre desFinances sous De Gaulle et de l’Économie et des Finances sousPompidou, il ne s’inscrivait pas dans le courant gaulliste maisdans le centre-droit libéral, qui avait soutenu le«non» au référendum de 1969.

Le risque gaulliste

Il choisit cependant un Premierministre gaulliste : Jacques Chirac. ValéryGiscard d’Estaing fit le choix de ne pas dissoudre l’Assemblée àson entrée en fonction et conserva donc la 5e législature, élue en1973. Sa majoritéétait donc fragile : il dut compter sur les 183 députésgaullistes pour gouverner, alors que son parti, les Républicainsindépendants (RI), n’en comptait que 55 (plus les 34 députés desRéformateurs démocrates sociaux, et les 30 députés des Unioncentriste puis Réformateurs démocrates sociaux).

Une politique modernisatrice

Le nouveau président voulut menerune politique de modernisation de la société française. Ce sontd’ailleurs les lois sociales et sociétales prisessous son mandat qui sont le mieux restées dans les mémoires jusqu’àaujourd’hui. Le bilan est notable :

  • la loi du 4 décembre 1974 qui permit le remboursem*nt de lacontraception par la Sécurité sociale ;
  • la «loi Veil»du 17 janvier 1975 dépénalisant l’avortement en France ;
  • la disparition del’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), symbole de l’emprise de l’État sur la radio et latélévision ;
  • la « loi Haby » du 11 juillet1975 mettant en place un «collège pourtous» (le «collège unique») pour lesenfants de 11 à 15 ans ;
  • l’abaissem*nt de l’âge dela majorité de 21 à 18 ans ;
  • l’autorisation du divorcepar consentement mutuel (loi du 11 juillet 1975);
  • la modification du protocole et une volonté de réduire la solennitédu décorum présidentiel : le président de la République se fitphotographier pour le portrait officiel en extérieur, il adoucit lebleu du drapeau français, ralentit le rythme sur lequel laMarseillaise était jouée, dîna avec des «Français ordinaires».

Une politique de crise

Le bilan économique du présidentde la République fut plus contrasté. La période d’expansionéconomique des « Trente Glorieuses » était terminée. VGE hérita en effet desconséquences du premier choc pétrolier, aggravéespar celles du deuxième (1979) :

  • augmentation du prix des matièrespremières ;
  • montée du chômage (3,4% de lapopulation active en 1974, 6,2% en 1979) ;
  • faiblesse de la croissanceéconomique (elle passa de 6,57% en 1973, à 0,71 en 1975, maisremonta ensuite) ;
  • inflation (13,7% en, 1974, 11,8%en 1975 !).

Les années 1970 furent une périodede « stagflation » : croissance molle, chômagefort et inflation élevée. Poury faire face, le gouvernement mena une politique de refroidissem*nt (d’austérité). Le Premier ministre Raymond Barre, professeur d’économie sansétiquette qui prit le relai de Jacques Chirac en 1976 (tout enétant ministre de l’Économie et des Finances jusqu’en mars 1978),eut pour priorité de lutter contre l’inflation, de réduire ledéficit budgétaire et de rééquilibrer la balance du commerceextérieur. Le changement d’heure futorganisé pour la première fois en 1975 pour faire des économiesd’énergie.L’immigration de travail fut arrêtée. Cependant, undécret du 29 avril 1976 organisa le droit au regroupementfamilial.

Au niveau européen, VGE poussaavec le chancelier allemand Helmut Schmidt à la création duConseil européen (1974) et à l’instauration Sytèmemonétaire européen (1979). Il participa au niveau mondial aux premièresréunions du G6 (créé en 1975).

Un affaiblissem*nt progressif

Les résultats de la politique delutte contre la crise étaient mitigés : en 1981, le chômage, plushaut que jamais, s’élevait à 7,9% et la croissance du PIB, atone, à 1%. Deux éléments vinrent accentuer les difficultésdu président de la République. Le premier était l’installation d’une rivalité avec son ancien Premier ministre JacquesChirac, démissionnaire en 1976. Celui-ci créa le Rassemblement pour laRépublique (RPR) en 1976. Ce nouveau parti gaulliste futune véritable «machine de guerre» destinée à servir lesambitions présidentielles de son fondateur. Le 6 décembre 1978,Jacques Chirac signa « l’appel de Cochin»,communiqué par lequel il dénonçait « l’Europe fédérale » et le «parti de l’étranger », visant par là insidieusem*nt l’Union pour ladémocratie française (UDF), parti centriste fondé par VGE en1978. Le second fut la longue« affaire des diamants de Bokassa » lancée le 10octobre 1979 par le Canard enchaîné. VGE aurait reçu en1973 des diamants du dirigeants de la Centrafrique, Jean-BedelBokassa, alors qu’il était ministre des Finances.

Son allocution d’adieu, prononcéele 19 mai 1981 à la télévision, est restée célèbre pour le « au revoir » incongru qui la conclut.

François Mitterrand (1981 – 1995) : le prince

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (5)

La première alternance

L’élection présidentielle de 1981se présentait comme une « revanche » de celles de 1974. Comme cesdernières, le candidat gaulliste, cette fois-ci Jacques Chirac, futéliminé au premier tour (18% des voix). François Mitterrand et VGEdurent s’affronter au second. Mitterrand était mieux préparé au débat téléviséqui se déroula le 5 mai 1981. La victoire rhétorique lui revint :lui qui avait été traité d’homme du passé sept ans plus tôtqualifia son contradicteur « d’homme du passif ».Il lui interdit avec succès, de le traiter comme « son élève».

Le candidat socialiste fut éluprésident de la République le 10 mai avec 51,8 % des suffrages. La Ve République connut donc son premier président degauche. Les Français allaient connaître le plus longmandat présidentiel de leur histoire, toutes républiques confondues: 14 ans.

La politique du gouvernement socialiste de 1981 :«changer la vie»

Le nouveau président choisit Pierre Mauroy (1928 – 2013) pour Premier ministre.Nouveauté notable : quatre ministres communistes firent leur entrée au gouvernement, suscitant la crainte chezcertains Français d’une « arrivée imminente des chars soviétiques». Pierre Mauroy était chargéde mettre en application l’ambitieux programme socialiste(les110 propositions pour la France)qui proposait une voie moyenne entre capitalisme et communisme.Selon l’expression du programme commun de 1972, le nouveau pouvoirvoulait « changer la vie ».

Le gouvernement socialiste voulaitdonc transformer l’économie :

  • le 1er février 1982 (ordonnancedu 16 janvier 1982), la semaine de 39 heures futinstituée ainsi qu’une cinquième semaine de congés payés;
  • le 13 février 1982, une loi nationalisade grands groupes industrielsfrançais (Saint-Gobain, Sacilor, Pechiney, etc.) et 39établissem*nts financiers. Une partie importante de l’économie passe sous le contrôle del’État : 15 % du secteur privé,soit 30 % du chiffre d’affaires de l’industrie et 95 % del’activité de crédit ;
  • un impôt sur les grandesfortunes fut créé ;
  • le droit à la retraite à60 ans fut reconnu (en vigueur à partir du 1er avril 1983);
  • les lois Auroux de 1982 remanièrent largement le Code du travail pourmieux protéger les salariés (droit de retrait, création des Comitésd’hygiène, de sécurité et des conditions de travail,etc.).

Pour lutter contre la crise, legouvernement Mauroy lança en outre une politique de relanceéconomique. 10 milliards de francs furent injectés dansl’économie. L’État embaucha 55000 fonctionnaires, il releva le SMIC de 10% et augmenta lesallocations.

En parallèle, des loissociales et sociétales importantes furent adoptées:

  • l’abolition de la peinede mort par la loi de18 septembre 1981 ;
  • la findu monopole de l’État de la radiodiffusion par la loi du 9novembre 1981 : de nombreuses stations de radio virent le jour;
  • le remboursem*nt de l’IVG par la « loi Roudy » du 31décembre 1982 ;
  • « l’acte I de ladécentralisation » fut adopté par les « lois Defferre » :l’État confia certains pouvoirs aux collectivitéslocales.

Vers le « tournant de la rigueur »

Cependant, l’inflation et lechômage restèrent forts (6,9% en 1983, 8% en 1984), le franc encrise subit plusieurs dévaluations et la croissance du produit intérieur brut reste faible (1,26% en 1983). Devant l’échec de lapolitique de relance, prise à contretemps dans un contexted’économie ouverte, François Mitterrand hésita entre rompre avecses partenaires européens, comme le lui conseilla Jean-PierreChevènement, ou changer de politique économique, c’est-à-direépouser le grand mouvement néolibéral d’alors, option qui avait lesoutien du Premier ministre, du ministre de l’Économie et desFinances Jacques Delors et du ministre du Budget, LaurentFabius.

Le président de la Républiquechoisit la deuxième option. Ce fut l’amorce du « tournant de larigueur », début d’une politique économique pluslibérale, qui se traduisit par une augmentation desimpôts, un contrôle accru des changes et une politique de réductiondu déficit budgétaire.

Le grand œuvre : l’Europe

L’appropriation collective desmoyens de production ne fut pas le grand œuvre de FrançoisMitterrand. Son volontarisme se tourna plutôt vers l’Europe. La construction européenne évolua demanière spectaculaire sous son mandat :

  • les accords deSchengen furent signés en 1985 ;
  • l’Acte uniqueeuropéen fut signé en 1986. Jacques Delors, président dela Commission européenne à partir de janvier 1986, en fut le grandinstigateur ;
  • le traité deMaastricht, le traité fondateur de l’Unioneuropéenne, fut signé en 1992, après approbation par unreferendum, au résultat très serré toutefois (20 novembre 1992) :51,04% de oui.

Achèvement plus économique etsymbolique, le tunnel sous la Manche, débuté en1987, fut achevé en décembre 1993.

La première cohabitation

Cela ne suffit pas à tarir ladéfiance de l’opinion, même si Pierre Mauroy fut remplacé en 1984par le jeune et dynamique Laurent Fabius. Les élections législatives de1986 furent un échec pour le parti socialiste : la droiteemporta la majorité avec 290 sièges. Pour la première fois, lepouvoir législatif et pouvoir exécutif ne coïncidaient pas. François Mitterrand nedémissionne pas. Jacques Chirac devint Premier ministre pour ladeuxième fois, initiant la premièrecohabitation.

Inspirée par le néolibéralismeanglais et américain de Thatcher et Reagan, cohérente avecl’évolution de la construction européenne, la droite mena unepolitique de libéralisation et de privatisation.

Une Ve République souple

La Ve République se révèle «souple ». Elle s’adapta bien, en effet, à la cohabitation. Unedivision du travail se mit alors en place entre les deux dirigeantsde camps opposés : le président conservaitsesprérogatives dans les Affaires étrangères et européennes.Jacques Chirac « devait faire » avec François Mitterrand, pouréviter son obstruction.

Cette division nouvelle du pouvoirfut facilitée par le caractère gaullien de la politique étrangèredu président de la République, à tel point que l’on a parlé de gaullo-mitterrandisme. En effet, FrançoisMitterrand ne chercha pas à modifier les fondements del’indépendance militaire et diplomatique de la France. Ladissuasion nucléaire ne fut pas remise en cause (et même défendueâprement, comme en témoigna l’affaire du Rainbow Warrior en 1985),la sortie du commandement intégré de l’OTAN non plus.

En même temps, le président de laRépublique confirma l’ancrage de la France dans le campoccidental. Il soutint notamment l’installation demissiles Pershing en Allemagne en pleine «crise deseuromissiles». La guerre froide terminée, il fit participerla France à la guerre du Golfe du côté de la coalition dirigée parles États-Unis.

Le deuxième mandat

La cohabitation n’empêcha pas la réélection facile de François Mitterrand contreson Premier ministre Jacques Chirac le 8 mai 1988 (avec 54% desvoix), après un débat télévisé de l’entre-deux-tours humiliant pourle candidat gaulliste. François Mitterrand fut le premier présidentde la Ve République a avoir été élu deux fois au suffrage universeldirect.Cette réélectionn’empêcha pas toutefois une deuxième période decohabitation qui fit suite à la défaite de la gauche auxlégislatives de 1993. Édouard Balladur devintalors Premier ministre.

Avant cette seconde cohabitation, François Mitterrand a « multiplié » les chefs dugouvernement :

  • il nomma d’abord son grand rivaldu parti socialiste, Michel Rocard (1930 – 2016),le temps de « l’user » politiquement. Réforme notable de ceministériat : la création du Revenu minimal d’insertion (RMI) en1988.
  • Édith Cresson,première femme à ce poste, succéda à Michel Rocard en mai 1991 pourun mandat très bref (de mai 1991 à avril 1992).
  • Elle fut remplacée par Pierre Bérégovoy (1925 – 1993), homme d’extractionpopulaire comme Pierre Mauroy. Le dernier Premier ministresocialiste de François Mitterrand mourut un mois après la cessationde ses fonctions dans des circonstances mystérieuses.

À cette affaire mystérieuses’ajouta une accumulation de polémiques quitouchèrent directement François Mitterrand : les révélations sur safille cachée Mazarine, sur son rôle sous Vichy (révélé au grandpublic par le livre de Pierre Péan, Une jeunesse française.François Mitterrand, 1934-1947),l’affaire des écoutes del’Élysée, son amitié avec le collaborateur René Bousquet, son état de santé,etc.

Un «président présidentiel»

Pourtant, François Mitterrand neperdit pas de « sa superbe ». La stature présidentielle de FrançoisMitterrand ne fut pas profondément affectée par ces affaires, car il sut incarner la fonction dans ce qu’elledemande de distance et de sacralité. François Mitterrand futpeut-être le dernier «président présidentiel» de la VeRépublique, c’est-à-dire le dernier à concevoir sa fonction commecelle d’un arbitre, placé au-dessus de la mêlée et qui définit lesgrandes orientations de la politique du pays.

Le bon déroulement institutionnelde son mandat prouva en outre la souplesse de la Ve République etsa solubilité dans une vie démocratique qui vit del’alternance. François Mitterrand a été en effet un opposanthistorique à De Gaulle. Mais ses deux mandats ont renforcé desinstitutions qu’il dénonçait pourtant comme un « coupd’État permanent » dans un livre célèbre paru en1964.

Un président bâtisseur

Dernier élément d’importance,François Mitterrand a laissé une trace importante dans lepaysage de la capitale. En effet, son héritage estimportant : Arche de la Défense, Pyramide du Louvre, Bibliothèquenationale de France (qui porte désormais son nom), Opéra de laBastille, Institut du monde arabe, Parc de la Villette, bâtiment duministère de l’Économie et des Finances à Bercy. On peut aussinoter la construction du centre culturel kanak Tjibaou enNouvelle-Calédonie.

Rongé par un cancer détecté dès1981, François Mitterrand s’éteignit moins d’un an après la fin deson mandat, le 8 janvier 1996.

Jacques Chirac (1995 – 2007) : le régent

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (6)

Une élection surprise

Jacques Chirac fut élu présidentde la République le 7 mai 1995 avec 52,6% des voix contre lecandidat socialiste Lionel Jospin. Cette victoire fut une surprise. Bien que soutenupar le RPR, le candidat malheureux des élections de 1981 et 1988était déclaré perdant au premier tour face à un autre candidat dela droite, le Premier ministre Édouard Balladur (soutenu, notamment, par Nicolas Sarkozy). Mais la campagne dynamique de Jacques Chirac,centrée sur le thème de la réduction de la « fracturesociale » a été aidée par la campagne elle désastreuse duPremier ministre.

La carrière de Jacques a traverséles débuts de la Ve République. Technocrate sorti de l’Écolenationale d’administration en 1959, proche de Georges Pompidou, ilest ministre ou secrétaire d’État sous toutes les présidences, etdeux fois Premier ministre (de 1974 à 1976 et de 1986 à1988).

L’oubli de la fracture sociale

La droite revenue au pouvoir nemena pas une politique sociale comme semblait l’annoncer le thèmecentral de la campagne. Alain Juppé devint en effet Premier ministre. Il mena une politique de rigueurimpopulaire. Devantl’accumulation des difficultés et le constat amer du président dela République sur l’impossibilité de faire des réformes en France,ce dernier tenta un « coup tactique » : dissoudre l’Assemblée nationale où il disposait pourtant de lamajorité. La dissolution fut actée en avril 1997.

La troisième cohabitation : Lionel Jospin Premierministre

La gauche remporta les électionslégislatives qui suivirent et obtint la majorité à l’Assembléenationale. C’est fut une défaite humiliante pour le président. Unenouvelle période de cohabitation débuta. Ce fut la plus longue destrois : cinq ans. Lionel Jospin devint Premierministre.

La « gaucheplurielle » (composée du Parti socialiste, mais aussi duParti communiste, des Verts, du Mouvement des citoyens deJean-Pierre Chevènement et du Parti radical de gauche) mena unepolitique intérieure ambitieuse :

  • nomination d’une femme à unministère régalien : Élisabeth Guigou devint garde des Sceaux;
  • création des « emplois-jeunes » en 1997 ;
  • création de la couverturemaladie universelle (CMU) en 1999 ;
  • création du pacte civilde solidarité (PACS) en 1999 ;
  • mise en place de la réforme des 35 heures (effective à partir du 1erjanvier 2002) ;

Le gouvernement Jospin bénéficiaen outre d’une bonne conjoncture économiqueinternationale. En l’an 2000, la croissance du PIB étaitde 3,9%. Une affaire rendit laposition de Jacques Chirac d’autant plus difficile : celledes emplois fictifs de la mairie de Paris, qui éclate en1999.

Les actes les plus saillants deson premier mandat restèrent la reconnaissance de la responsabilitéde l’État français dans la déportation des Juifs au cours du discours du « Vél d’Hiv » du 16 juillet 1995 et la suspension du service militaire en février1996.

La naissance du quinquennat

Leréférendum du 24septembre 2000 demanda aux Français s’ils souhaitentréduire le mandat du président de la République de sept à cinq ans.Malgré une très faible participation (30,19%), le « oui » l’emporteavec 73,21% des voix.

Le quinquennat était né,accentuant la présidentialisation du régime.

La réélection après un séisme

Malgré ce bilan chétif, JacquesChirac fut réélu président de la République le 8 mai 2002. À lasurprise de tous, son adversaire du second tour ne fut pas sonPremier ministre Lionel Jospin, mais Jean-Marie LePen, le candidat du Front national. Le candidat socialisten’avait récolté que 16,18% des voix, moins que les 16,86% deJean-Marie Le Pen.

L’accession d’un candidat del’extrême-droite au second tour de l’élection présidentielle frappale pays. Un « front républicain » émergea pour lui faire face. Jacques Chirac en bénéficia en récoltant 82,21% desvoix.

Une nouvelle donne politique

La droite, gaulliste et libérale,fut rassemblée sous la bannière de l’UMP, fondée en 2002. Il obtintla majorité à l’Assemblée après les élections législatives dejuin. Le risque decohabitation fut rendu quasi nul par le quinquennat : les mandatsde président de la République et de député étaient désormais demême durée et coïncidaient dans le temps.

Une politique timide

Le début du quinquennat de JacquesChirac fut surtout marqué le refus de celui-ci d’engager laFrance dans la guerre en Irak, initiée par les États-Unisen mars 2003. Le président de la République y gagna l’image d’unprésident « gaullo-mitterrandien ». Il n’avait en revanche pashésité à engager la France dans la guerre en Afghanistan en 2001, àla suite des attentats du World Trade Center.

Des réformes importantes furent enoutre menées, comme « l’acte II de ladécentralisation » par la loi constitutionnelle du 28 mars2003 (la décentralisation fut inscrite à l’article 1er de laConstitution) et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés etresponsabilités locales. Le gouvernement poursuivit aussi lemouvement des privatisations.

La politique du Premier ministreJean-Pierre Raffarin, choisi après la victoire de 2002, futnéanmoins timide. Elle ne répondit pas au défi représentépar une élection présidentielle avec plus de 80% dessuffrages.

L’échec du référendum de 2005

Elle fut sanctionnée par l’échec du référendum sur le traité établissant uneconstitution pour l’Europe du 29 mai 2005. Le « non »l’emporta largement avec 54,68% des suffrages.

Ce refus exprima en outre, aprèsla très difficile victoire du « oui » au référendum sur le traitéde Maastricht de 1992, une défiance accrue à l’égard de laconstruction européenne.

Un gouvernement de fin de mandat

Contrairement à De Gaulle en 1969,Jacques Chirac ne démissionna pas. Il choisit Dominique deVillepin comme Premier ministre à la place de Jean-PierreRaffarin. Ce nouveaugouvernement fut celui d’un président affaibli. Il ne put résisterà l’entrée au gouvernement d’un ambitieux « présidentiable », Nicolas Sarkozy, président de l’UMP depuis 2004.Celui-ci obtint le ministère de l’Intérieur, qui lui servira derampe de lancement à sa future campagne. Le gouvernement Villepin dut faire face àd’importantes émeutes dans les banlieues quifirent suite à la mort de deux adolescents le L’année suivante, le projet de mise en placed’un contrat premierembauche (CPE) suscite unimportant mouvement d’opposition. Le gouvernement finit parreculer. Dominique de Villepin ne put plus faire barrage à lamontée de Nicolas Sarkozy.

Contrairement à son prédécesseur,Jacques Chirac ne laissa qu’un seul grand monument comme «témoignage » de son mandat : lemusée des arts etcivilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et desAmériques, ou musée du quai Branly, qui porte désormaisson nom.

Nicolas Sarkozy (2007 – 2012) :l’hyperprésident

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (7)

La victoire de la «rupture»

L’élection présidentielle de 2007donna lieu à une effervescence démocratique qui setraduisit par un taux de participation particulièrement élevé :83,77% au premier tour, puis 83,97% au second tour. Celle-ciconsacrait la victoire du candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy,contre la candidate du parti socialiste Ségolène Royale, avec53,06% des voix.

Nicolas Sarkozy avait axé sacampagne sur l’idée de « rupture tranquille ». Sondiscours mettait en valeur le mérite tiré du travail (« travaillerplus pour gagner plus ») et l’autorité, qu’il incarnait commeministre de l’Intérieur. Le passage de Nicolas Sarkozy placeBeauvau signalait d’ailleurs l’arrivée du règne des « petites phrases», c’est-à-dire des citationspolémiques destinées à faire l’actualité, comme l’illustrent:

  • cette phrase prononcée le 19 juin2005 à la cité des 4000 à La Courneuve : « Dès demain, on vanettoyer au Karcher la cité. On y mettra leseffectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça seranettoyé » ;
  • ou « Vous en avez assez de cettebande de racailles ? On va vous en débarrasser »prononcée à Argenteuil le 25 octobre 2005.

Un gouvernement d’ouverture et defaillite

Le président de la Républiquechoisit pour Premier ministre FrançoisFillon.

Il décida en outre d’expérimenter« l’ouverture », en proposant des postesministériels à des personnalités proches ou réputées proches de lagauche ou venant de la société civile, afin d’étendre sabase de soutien. Bernard Kouchner fut par exemple nommé auministère des Affaires étrangères.

François Fillon déclaracependant dès le 21 septembre 2007 être à la tête d’un État enfaillite, sentence qui tranchait avec l’optimisme libéralportant la campagne du président.

L’avènement d’un«hyperprésident»

L’action du Premier ministre et deson gouvernement fut de toute façon rapidement éclipsée par cellede «l’hyperprésident». L’activité effrénée de NicolasSarkozy monopolisait l’attentionmédiatique. Pour lapremière fois dans l’histoire de la Ve République, la politique dupays semblait se résumer exclusivement à l’action de son président.Ce dernier qualifia d’ailleurs François Fillon de « collaborateur » («Le premier ministre est uncollaborateur, le patron, c’est moi »). Une « ouverture » (limitée)était possible car le gouvernement était moins « gouvernant » queles précédents.

Avec le quinquennat, la VeRépublique s’est présidentialisée. On lit parfois que le président est passé du statut d’« arbitre » àcelui de capitaine.

Les réformes libérales d’un président«américain»

Nicolas Sarkozy, qui voulut donnerl’image d’un président efficace, fit adopter trois lois importantesdès le début du quinquennat :

  • la loi du 10 août 2007 relative aux libertés etresponsabilités des universités («loi LRU»): elle prévoyait que les universités disposent d’une autonomiebudgétaire et d’un contrôle accru dans la gestion de leursressources humaines ;

  • la loi TEPA ou « paquet fiscal » du 21 août 2007 : cette loi fut l’application directe de l’espritde la campagne de Nicolas Sarkozy : exonération des heuressupplémentaires de cotisations et d’impôts, allègement des droitsde successions et abaissem*nt du bouclier fiscal (plafond del’imposition globale d’un contribuable) à 50% ;

  • la loi du 21 août 2007 sur ledialogue social et la continuité du service public dans lestransports terrestres réguliers de voyageurs qui instaura un service garanti en cas de grève ou deperturbation.

Ces lois furent d’inspiration libérale ou néolibérale : le nouveau présidentprit pour modèle les États anglo-saxons, notamment les États-Unis,si bien qu’il fut parfois qualifié d’« américain». Promouvant un rapport décomplexé à l’argent, ilfit augmenter son indemnité de 7084 euros à 19 331euro par mois, soit une augmentation de 172%.

En même temps, le gouvernementchercha à faire des économies sur le train de vie de l’État enmodernisant l’action publique : la révision générale despolitiques publiques (RGPP) fut lancée dès juin2007.

La dimension « autorité » de lapolitique de Nicolas Sarkozy ne fut pas en reste. Un ministère de l’Immigration et de l’Identiténationale fut créé puis placé sous l’autorité d’un fidèledu président, Brice Hortefeux. La loi du 10 août 2007 surla récidive instaura des peines planchers.

Activisme à l’extérieur

L’Europe fut un volet important dela politique sarkozienne. Le13 décembre 2007, Nicolas Sarkozy signa avec les autres chefsd’État ou de gouvernement de l’Union européenne le traitéde Lisbonne. Ce traité rénova profondément le cadreinstitutionnel de l’Union, en lieu et place du Traité établissantune constitution pour l’Europe, dont l’adoption avait été empêchéepar les refus français et néerlandais par référendum en 2005. Cettefois-ci, le traité fut adopté par voie parlementaire le 8 février2008, après modification de la Constitution en Congrès le 4février. Cette adoptionsuscita de fortes critiques : ce qui avait été rejeté par le peuplefrançais en 2005 fut finalement adopté par l’Assemblée deux ansaprès.

La présidence française duConseil de l’Union européenne du 1er juillet au 31décembre 2008 donna au président de la République l’occasion dedévelopper son activisme :

  • il tenta de jouer le rôle demédiateur entre la Russie et la Géorgie pendant la Deuxième guerred’Ossétie du Sud ;
  • il organisa le lancement d’unel’Union pour la Méditerranée en juillet ;
  • il poussa à l’adoption d’un Pacteeuropéen de l’immigration et de l’asile adopté en octobre;

La politique extérieure de NicolasSarkozy fut aussi jalonnée de plusieurs « coups d’éclat » comme la libération desinfirmières bulgares détenues en Libye, ou la libération d’IngridBettencourt, détenue par les FARC en Colombie. Certains épisodesfurent médiatiquement douloureux, à l’image de la visite du colonelKadhafi à Paris en décembre 2007, qui s’installa dans unetente.

Une série de réformes importantes

Le premier chapitre du quinquennatfut aussi marqué par une importante réforme de laConstitution. La loi du 23 juillet 2008 modifia plus de lamoitié des articles de la Constitution. Les principales innovationsfurent l’introduction de la question prioritaire deconstitutionnalité, l’impossibilité d’effectuer plus de deuxmandats de président de la République consécutifs, le renforcementdu pouvoir du contrôle du Parlement et la création d’un Défenseurdes droits.

Plus original pour un président dedroite, l’organisation du grenelle del’Environnement du 6 juillet au 25 octobre 2007 réunitpartenaires sociaux, ONG, représentants d’États et de collectivitéslocales. Il fixa des objectifs ambitieux pour la protection del’environnement.

Nicolas Sarkozy lança aussi leprojet du Grand Paris, projet de constitutiond’une métropole rassemblant la capitale et 130 villes de la petiteet de la grande couronne, afin de faire face à la concurrenceinternationale. En parallèle fut lancé le chantier du «GrandParis Express», projet de constructions de lignes detransports reliant la capitale et la banlieue ou les banlieuesentre elles.

La désacralisation de la fonctionprésidentielle

Malgré ce réformisme résolu, lapopularité du président chuta et s’installa durablement sous labarre des 40% (TNSSofres). Nicolas Sarkozy ne parvint pas à « endosser l’habit »de monarque républicain : il fut plus capitainequ’arbitre. Peu protégé par un Premier ministre éclipséqui ne put lui servir de « fusible », il était en première ligneface aux mouvements d’opinion et aux mécontentements.

La fonction présidentiellefit l’objet d’une certaine désacralisation. Des polémiquesà la portée symbolique forte renforcèrent cette impression : dînerau Fouquet’s le soir de l’élection, vacances ensuite surle yacht de l’homme d’affaires Vincent Bolloré, augmentation dutraitement du président, mise en avant de sa vie privée (séparationavec sa femme Cécilia, déclaration sur sa relation avec Carla Bruni: « avec Carla, c’est du sérieux »), épisode du « Casse-toi, pauv’con ! » au Salon de l’agriculture en 2008, etc.

L’éclatement de la crise financière et poursuite desréformes

Le second chapitre de laprésidence Sarkozy s’ouvrit avec la crise financière de 2008, dontle signal le plus impressionnant fut la faillite de labanque Lehman Brothers le 15 septembre. Le PIB français recula de 2,6% en 2009. C’est fut la récession laplus importante depuis l’après-guerre. En conséquence, l‘Italie et la Grèce connurent des situationsfinancières très difficiles. La crise grecque commença en octobre2009, lorsque le Premier ministre du pays, Georges Papandreou,releva la prévision de déficit de plus de 6 points. La monnaiecommune européenne, l’euro, était menacée.

Face à la gravité de la situation,Nicolas Sarkozy voulut agir avec fermeté et rapidité. L’Eurogroupe(la réunion des ministres des Finances des différents Étatsmembres) se réunit à Paris en octobre 2008 pour décider d’un plande sauvetage européen pour les banques. Il annonça en décembre dela même année le lancement d’un grand plan de relance del’économiede 26 milliards d’euros (enréalité 34 milliards), comportantun volet social et prévoyant de grands travaux. La dette publique explosa : ellepassa de 68% du PIB en 2008 à 78,9% en 2009.

Le président de la Républiquen’abandonna pas pour autant son réformisme. La plus importante futla réforme des retraites, publiée au Journalofficiel le 10 novembre 2010. Ses mesures essentielles furentle recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, lerecul de l’âge du taux plein de 65 à 67 ans à l’horizon 2023 et laprise en compte de la pénibilité. Cette réforme suscita un important mouvementsocial qui éreinta de nouveau la popularité la popularité duprésident. Celle-ci souffrait encore plus de polémiques àrépétition et de la multiplication des affaires : laprésidence de l’EPAD de Jean Sarkozy, l’affaire Woerth-Bettancourt,l’affaireBoutin, les affaires Blanc et Joyandet, la polémique tunisienne deMichèle Alliot-Marie alors ministre des Affaires étrangères et ledéclenchement de l’affaire Karachi.

L’OTAN, le Qatar et l’intervention enLibye

Au-delà de la crise européenne, lapolitique étrangère donna à Nicolas Sarkozy l’occasion de pallierles difficultés intérieures. Il traduisit politiquement dans un premier tempsson atlantisme en mars 2009 en actant laréintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN (que De Gaulle avait quitté en 1966). Un paradoxe difficile à expliquer pour un candidat issu d’unelignée gaulliste.

Nicolas Sarkozy orienta en outrela politique arabe de la France vers le Qatar, qui commençaà investir des sommes considérables en France.

Si le soutien de l’armée françaiseaux Forces républicaines de Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattaracontre Laurent Gbagbo en 2011 releva d’une tradition «françafricaine », l’intervention en Libye de lamême année, faite sous l’égide de l’ONU et avec le soutien desalliés de l’OTAN, fut un opération de «gendarmerieinternationale» déroutante pour l’opinion.

Un discours sécuritaire incisif

Le discours sécuritaire duprésident de la République tendit en outre à se durcir dans ladeuxième partie de son mandat. En effet, à la suite de nuits d’émeutes à Grenoble en juillet 2010, il prononça,dans cette ville, un discours marqué à droite. Ce durcissem*nt seproduisit dans le contexte d’un débat grandissant sur laplace de l’islam en France et sur la conception de lalaïcité. Le 11 octobre 2010 fut adoptée une loiinterdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, loisurnommée « anti-burqua».

Le mandat de Nicolas Sarkozys’acheva d’ailleurs avec un événement tragique : lesattentats de Mohammed Merah en France de mars 2012 quicausèrent la mort de sept personnes, dont trois enfants deconfession juive.

Le président de la République futcandidat à sa réélection. Conseillé par le journaliste proche del’extrême-droite Patrick Buisson, lecandidat-président mena une campagne très marquée àdroite.

François Hollande (2012 – 2017) : le normal

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (8)

L’élection du président normal

Au soir du premier tour del’élection présidentielle de 2012, le 22 avril, leprésident sortant, Nicolas Sarkozy, arriva deuxième. Cefut un fait inédit dans l’histoire de la Ve République. Il n’obtinten effet « que » 27,18% des voix, ce qui le plaça derrière lecandidat socialiste, François Hollande, qui récolta 28,63% desvoix.

Malgré une campagne de second tourénergique, Nicolas Sarkozy perdit au soir du second tour le 6 mai2012. Le débat de l’entre-deux-tours fut marqué par la célèbre anaphore « Moi, président de la République » développée pendant de longuesminutes par François Hollande.

François Hollande devint présidentde la République avec 51,64% des voix. Comme candidat, il avait exprimé la volontéd’être un « président normal », contrairement àNicolas Sarkozy. Le Parti socialiste revint au sommet de l’Étataprès dix-sept ans d’absence. Le président sortant partageait lesort de Valéry Giscard d’Estaing mais déclarait quant à lui seretirer de la vie politique (pour quelques annéesseulement).

Le gagnant de la primaire

François Hollande a été élucandidat du Parti socialiste et du Parti radical de gauche à lasuite des « primaires citoyennes » de 2011. Cesdernières ont rencontré un fort succès. Il gagna ces primaires ausecond tour face à Martine Aubry avec 56,57% des voix (soit un peuplus de 1,6 millions de voix). Ce mode désignation, qui lui assura unelégitimité indiscutable, l’affaiblit en même temps : contrairement à François Mitterrand, il ne disposait pas d’uneautorité « naturelle » sur sa majorité.

Une orientation sociale-libérale

Même s’il choisit comme Premierministre Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes etsurtout chef du groupe socialiste à l’Assemblée depuis quinze ans,la politique économique du nouveau président de la République, favorisant l’offre plutôt que la demande, luiattira rapidement l’hostilité d’une partie de sa majorité et del’électorat socialiste. Eneffet, François Hollande penchait plutôt pour le « social-libéralisme », à l’instar de DominiqueStrauss-Kahn, candidat naturel du Parti avant l’éclatement d’uneaffaire qui l’écarta.

Ainsi, la majorité mena une politique dont l’objectif était d’alléger le coût dutravail, de rendre plus flexible son marché et favoriserl’emploi.

  • le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi(CICE) entra en vigueur au 1er janvier 2013 : cetallègement fiscal avait pour but de réduire le coût du travail etpermettre aux entreprises qui emploient des salariés d’embaucher etd’investir.
  • Le Pacte deresponsabilité et de solidarité : annoncé le 31 décembre2013 par François Hollande, il comportait un certain nombre demesures destinées à baisser le coût du travail, favoriser lesembauches et le dialogue social. Ainsi, à partir du 1er janvier2015, il était par exemple possible d’être exonéré de cotisationspatronales versées aux URSSAF pour l’emploi d’un salarié auSMIC.
  • La loi du 8 août 2016, la«loi Travail» ou «loi El Khomri» :elle permit aux entreprises de négocier le temps de travail, deprendre des «accords de maintien de l’emploi» (contrebaisse des salaires), d’organiser des référendums au sein desentreprises pour valider des accords d’entreprise (contre leblocage par les syndicats) ; elle renforçait le poids des accordsd’entreprise et plafonnait des indemnités en cas de licenciementabusif ; etc.

La loi du 6 août 2015, dite « loi Macron», texte de plus de 300 articles,contenait aussi des mesures phares d’assouplissem*nt de laréglementation française pour favoriser la croissance : travail ledimanche et la nuit, création de lignes nationales de cars, réformedes prud’hommes, libéralisation des professions réglementées,etc.

Cette orientation sociale-libéralefut confirmée lorsque Manuel Valls, admirateur dublairisme, remplaça Jean-Marc Ayrault au poste de Premier ministreen mars 2014, et lorsque Emmanuel Macron devintministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique en aoûtsuivant.

Outre les dispositifs présentsdans les grandes lois de réformes citées ci-dessus, le gouvernementagit plus expressément pour protéger les salariés.En effet, le 3 juillet 2012, un décret fut pris pour permettre auxpersonnes ayant commencé à travailler tôt et coté toutes leursannuités de partir à la retraite à 60 ans. Le 11 janvier2013, un accord national interprofessionnel fut conclu entre les partenaires sociaux. Ilpermit notamment l’accès de tous à une mutuelle d’entreprise etessaya de durcir le recours aux contrats précaires en taxant parexemple les CDD courts. Ledispositif des emplois d’avenir fut créé par laloi du 26 octobre 2012 avec pour objectif de permettre l’accès àl’emploi de jeunes sans qualification.

Enfin, on peut noter quelquesmesures symboliques considérées comme des « marqueurs degauche » : la baisse du traitement du président de laRépublique et du Premier ministre dès le 17 mai 2012 ou la taxe à75% sur les très hauts revenus (qui disparut dès 2015).

La lutte contre le déficit et la dette

En même temps, le mandat deFrançois Hollande fut marqué par la nécessité de luttercontre le déficit et la dette publics. Le Pactebudgétaire européen (TSCG), entré en vigueur au 1erjanvier 2013, contraint les États membres de l’UE à limiter leur déficit structurel à0,5% du PIB (règle d’or). Ces règles s’ajoutaient aux«critères de Maastricht», qui contraignent les États àgarder une déficit public inférieur à 3% et une dette publiqueinférieure à 60%.

Élément clé de cette lutte pour lamaîtrise des finances publiques, le gouvernement lança la « Modernisation de l’action publique », quiremplaçait la RGPP initiée sous Nicolas Sarkozy.

Au cours du mandat de FrançoisHollande, la croissance de la dette publiqueralentit (de 89,6% du PIB en 2012, 92,4% en 2013, 95% en2014, 96,5% en 2016) et le déficit public seréduit et passa même sous la barre des 3% en 2017 (4,1% en2013, 3,6% en 2015, 2,6% en 2017).

Le discrédit rapide du pouvoir

Ce bilan financier positif ne pesapas devant le bilan mitigé du gouvernement sur les autres « fronts». La politique de la lutte contre le chômage eut desrésultats mitigés. Le taux de chômage, à 9,8% de lapopulation active en métropole au second trimestre de 2012, atteintun pic à 10,5% au deuxième trimestre, qui fut de nouveau atteint audeuxième trimestre de 2015 après une période de baisse, pour finirà 9,5% au premier trimestre 2017. La croissance du PIB décolla péniblement : 0,2% en 2012 pour arriver à 1,6% en2016.

Le discrédit du pouvoir futaccentué par une stratégie de communication risquée : la promesserépétéed’inverser la courbe du chômage. Le 9septembre 2012, au journal télévisé de TF1, François Hollandepromit d’inverser la courbe du chômage en un an. Le président laRépublique conditionna ensuite sa candidature en 2017 à l’inversionde cette courbe. Il déclara par exemple le 14 juillet 2015 : « S’iln’y a pas de baisse du chômage, je l’ai dit plusieurs fois, je neserai pas candidat ». Le 14 avril 2016, dans l’émission Dialogues citoyens, François Hollande développa unenouvelle stratégie de communication en disant aux Français«Oui, ça va mieux».

L’affaiblissem*nt progressif deFrançois Hollande donna de l’espace aux « frondeurs », membres de la majorité hostiles à lapolitique économique menée par le gouvernement. On comptait parmieux plusieurs ministres, le ministre de l’Économie ArnaudMontebourg, le ministre de l’Éducation Benoît Hamon et la ministrede la Culture Aurélie Filippetti, relayés par un groupe deparlementaires. La « répression » de la « Fronde » vint le 25 août2014, lorsqu’ils ne furent pas reconduits dans le gouvernement deManuel Valls. Mais l’autorité du président était toutefoisentaillée par cette rébellion.

Des polémiques etaffaires vinrent en outre accentuer la défiance desFrançais envers le pouvoir : l’affaire Cahuzac en 2013, lamédiatisation de la vie privée du président (affaire du scooter,publication de Merci pour ce moment en 2014 par sonex-compagne Valérie Trierweiler), l’affaire Léonarda, ledévoilement de offdu président par des journalistesdu Monde dansUn président ne devrait pas direça…(en 2016, dont l’opinion a retenu le goût duprésident pour l’expression «les sans-dents»), lerecours au 49-3 par Manuel Valls pour la loi Travail, leshésitations autour de Notre-Dame-des-Landes, etc.

Certaines de ces affairesécornèrent sévèrement la stature présidentielle de FrançoisHollande. Plus généralement, il souffrait, comme sonprédécesseur, de la redéfinition du statut de président. Leprésident était la cible directe du mécontentement. Jean-LucMélenchon, ancien membre du Parti socialiste, président de «l’antilibéral » Parti de gauche, qualifia notamment le président dela République de « capitaine de pédalo ». Cette marque de méprissoulignait la désacralisation croissante de la fonction.

Le défi de l’islamisme

La politique sécuritaire etextérieure permit à François Hollande d’endosser pour un temps leshabits de monarque. Elle fut marquée par la lutte contrel’islamisme ou l’islam fondamentaliste.

La France fut frappée par une vague d’attentats, dont les plus meurtriers furentceux de janvier 2015 (17 morts dans l’attaque de CharlieHebdo,l’assassinat deClarissa Jean-PhilippeàMontrouge et dans la prise d’otage de l’Hyper Casher par AmedyCoulibaly), du 13 novembre de la même année (130 morts dans l’Estparisien et au Bataclan) et du 14 juillet 2016 à Nice (86morts).

Le président réagit avec célérité.L’État d’urgence fut notamment appliqué dès le 14novembre et ce, jusqu’au au 1er novembre 2017. Ce long maintien fitnéanmoins l’objet d’intenses débats. La proposition d’étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nésFrançais, évoquée devant le Parlement réuni en Congrès le 16novembre, suscita une discorde qui entraîna son abandon.

Un président «guerrier»

À l’étranger, la lutte de laFrance contre la menace terroriste se matérialisa par l’intervention des troupes françaises au Mali, àla demande du gouvernement de ce pays, pour lutter contre laprogression de groupes armés islamistes vers Bamako (opérationServal de janvier 2013, remplacée par l’opération Barkhane en août2014). François Hollande fit aussi intervenir les troupesfrançaises en Centrafrique en décembre 2013(opération Sangaris, terminée le 31 octobre 2016) en vue demaintenir la paix dans ce pays et éviter une catastrophehumanitaire.

Le projet de frappescontre le régime syrien fut en revanche un échec : laFrance se trouva isolée après le renoncement de Barack Obama en2013.

L’action extérieure de FrançoisHollande s’illustra aussi par l’assistance portée aux négociateursgrecs pendant la crise financière que connut ce pays, mais aussipar la réussite de la Conférence de Paris de 2015 sur leclimat(COP21) qui se conclut par unaccord international sur le climat (sans suite).

Les autres fronts de la politique de FrançoisHollande

La France de François Hollande futau reste agitée par des débats sociaux importants dont l’ouverture du mariage aux couples de même sexe («le mariage pour tous »). Il fut légalisé par une loi promulguée le17 mai 2013 après que le projet a suscité une très forte oppositiondans une partie de l’opinion. La loi du 2 février 2016 fit évoluerla loi Leonetti de 2005 et reconnut le droit du patient à unesédation profonde et continue jusqu’au décès.

La politiquescolaire suscita elle aussi des oppositions énergiques :les confusions autour la réforme des rythmes scolaires initiée parVincent Peillon ou la très vive contestation de la réforme ducollège et des programmes par Najat Vallaud-Belkacem.

Enfin, il faut soulignerl’adoption de « l’acte III de ladécentralisation», réforme des collectivitésterritoriales françaises à partir de 2013, qui institua notammentun redécoupage des régions réduites désormais à 18.

Impopulaire, le président de laRépublique annonça, dans une allocution télévisée, le 1er décembre2016 qu’il ne se représenterait pas en 2017.C’était un fait inédit dans le Ve République.

Emmanuel Macron (2017 – ) : Jupiter

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (9)

Le ministre de l’Économie EmmanuelMacron démissionne le 30 août 2016. Après avoir créé son parti, En Marche !, le 6 avril 2016, il annonça sacandidature le 16 novembre 2016. Sa campagne profita de l’implosionde celle du candidat de la droite, François Fillon, parti favoridans les sondages, à causes des affaires, et de l’effondrement dela gauche.

Il fut élu le 7 mai 2017 avec66,10% des voix, contre Marine le Pen, candidate du Front national,dont la campagne avait souffert d’un manque d’allant et d’un débatde l’entre-deux-tours raté.

Européen et libéral, EmmanuelMacron semblait vouloir poursuivre l’effort de modernisation del’économie française entamé par François Hollande. En même temps,selon ses propres mots, il souhaitait effectuer un mandat «jupitérien », c’est-à-dire revenir à une pratique du pouvoir plus «classique » et distancée.

Cet élan réformateur fut toutefois perturbé par deux crisesgraves : celle des Gilets jaunes (2018) et celle du covid (2020),qui perturba l’économie mondiale.

Réélu en 2022, la première fois depuis Chirac, face, unenouvelle fois, à Marine Le Pen, il doit faire face, dès le début deson mandat, à la gestion des conséquences de la guerre enUkraine.

Les présidents de la Ve République : de De Gaulle à Macron (2024)

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